Nigéria : La répression des journalistes étouffe la liberté de la presse

ARTICLE 19 fait état dans un rapport d’une recrudescence significative des agressions, des arrestations et des poursuites contre les médias au Nigéria par rapport à 2019, avec 51 incidents pour la seule année 2020.

Les agressions ont plus que doublé en 2020. Au cours de la même période en 2019, au moins 19 journalistes et professionnels des médias ont subi des violences notamment des arrestations, des détentions, des agressions, des menaces et des confiscations de matériel.

Sur les 51 cas d’agressions répertoriés, 60 journalistes en sont victimes.

  • Trois journalistes ont été tués : un par les forces de sécurité lors d’une manifestation à Abuja et deux par des inconnus dans les États d’Adamawa et de Nasarawa.
  • 34 journalistes ont été victimes d’agressions, dont deux femmes journalistes. Les agressions ont eu lieu dans tout le pays, notamment dans les États de Lagos, Ondo, Osun, Abia, Anambra, Bauchi, Edo et Rivers et dans le Territoire de la capitale fédérale (FCT).
  • 18 d’entre eux ont été agressés pour avoir couvert les manifestations nationales #ENDSARS contre la brutalité policière en octobre 2020. Dans dix de ces cas, la police nationale était auteur de l’agression.
  • 12 journalistes ont été arrêtés. La moitié d’entre eux ont été libérés au bout de quelques jours, mais six ont été inculpés devant un tribunal, la plupart en vertu de la loi sur le terrorisme ou la cybercriminalité.
  • Trois journalistes se sont vu refuser l’accès pour effectuer leur travail.
  • Trois médias ont été attaqués.
  • Quatre médias ont été condamnés à des amendes pour leur reportage.

Les forces de sécurité et les autorités gouvernementales sont à l’origine de la grande majorité de ces incidents, tandis que huit attaques ont été perpétrées par des « tireurs » inconnus et six par des voyous de la classe politique. Non seulement les autorités n’ont pas réussi à protéger les journalistes des attaques, mais elles tentent de plus en plus de réduire les médias au silence.

Condamnant ces violations de la liberté des médias, la Directrice Régionale de ARTICLE 19 Afrique de l’Ouest, Fatou Jagne Senghore, a déclaré :

 « En commémorant la Journée internationale pour mettre fin à l’impunité des crimes contre les journalistes, je voudrais exhorter l’Union africaine et les Nations unies à ne pas fermer les yeux sur le Nigéria. Le climat au Nigéria est de plus en plus hostile aux médias et aux journalistes. J’implore la communauté internationale de soutenir le Nigéria pour mettre fin à l’impunité, protéger les journalistes et renforcer le cadre juridique régissant les médias.

L’impunité totale des crimes commis contre les journalistes au Nigéria étouffe les médias. Sans une presse libre, aucun pays ne peut réaliser les droits inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et les objectifs de développement durable. Le Nigéria doit agir maintenant ».

ARTICLE 19 invite le Nigéria à mettre en place un comité indépendant chargé d’enquêter sur toutes les attaques contre les journalistes ainsi que sur tous les cas d’arrestation et de poursuites et de revoir la législation utilisée pour museler les médias, telle que la loi sur la cybercriminalité. Tous les journalistes qui sont actuellement en détention pour avoir fait leur travail devraient être immédiatement libérés.

En 2020, nous avons constaté une augmentation des arrestations de blogueurs et de journalistes soupçonnés de « cyberharcèlement ». Le gouvernement a abusé de cette section de la loi sur la cybercriminalité pour « faire taire » les opinions dissidentes dans les médias en ligne. En outre, ARTICLE 19 a reçu des rapports selon lesquels d’innombrables autres journalistes ont été confrontés à des problèmes tels que la saisie ou l’endommagement de matériel, l’intimidation et les menaces de mort.

Fatou Jagne Senghore, Directrice Régionale d’ARTICLE 19 Afrique de l’Ouest a affirmé :

« Attaquer et blesser un journaliste dans l’exercice de ses fonctions est inacceptable. La fréquence à laquelle la police et l’armée nigérianes attaquent et menacent les journalistes est très alarmante. Nous condamnons fermement les attaques contre les journalistes.

Cette année, le Nigéria doit profiter de la Journée internationale pour mettre fin à l’impunité des crimes contre les journalistes pour améliorer ce bilan effroyable. Le gouvernement doit s’engager à mettre fin à ces attaques et à modifier ses lois afin de permettre un climat de liberté des médias et de liberté d’expression. Le gouvernement doit rendre justice aux victimes et leur offrir des recours. Il doit faire de la protection et de la sécurité des journalistes une priorité nationale ».

ARTICLE 19 appelle les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur la liberté d’expression et d’opinion et sur les exécutions extrajudiciaires, ainsi que la Commission africaine et le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et des peuples sur la liberté d’expression et d’information, à demander instamment au gouvernement nigérian d’enquêter sur ces crimes et d’émettre une recommandation commune, de soutenir sa mise en œuvre et de suivre les progrès accomplis.

Cette mesure permettra au Nigéria de respecter ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme. En 2018, lors du dernier examen de l’EPU, le Nigéria s’est engagé à protéger et à promouvoir la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, et à créer un environnement sûr et favorable aux défenseurs des droits de l’homme, aux journalistes et à la société civile. Cependant, le Nigéria n’a pas mis ces engagements en pratique.

LIRE LE RAPPORT  

Pour plus d’informations, veuillez contacter :  Alfred Bulakali, Directeur Régional adjoint, ARTICLE 19 Afrique de l’Ouest : senegal@article19.org,  Tél : +221 33 869 03 22 Fax : +221 33 860 85 75