Les élections sont la pierre angulaire de la démocratie, mais lorsqu’elles se déroulent dans un climat d’insécurité et de violations des droits humains, leur valeur et leur légitimité sont remises en question. Alors que les Nigérians se préparent à voter le 25 février, ARTICLE 19 insiste sur la nécessité d’un processus électoral transparent et équitable au Nigeria, qui garantisse la diffusion d’informations exactes et fiables, la sécurité des journalistes, des agents électoraux et de tous les citoyens. La protection des droits humains et de la sécurité devrait être un aspect non négociable de toute élection.
L’organisation des élections présidentielles au Nigeria va ensemble avec la naissance de la République en 1960. Même si des progrès importants ont été réalisés pour garantir des élections plus justes et plus libres, la dernière élection présidentielle, qui s’est tenue en 2019, a été entachée de violence, d’intimidation des électeurs et de fraude électorale. Dans certains cas, les résultats de l’élection ont été contestés, entraînant une instabilité politique et des violences.
Pour rappel, en 2019, le processus de dépouillement et de compilation des votes a été jugé problématique avec des allégations de manipulation, d’intimidation et d’achat de voix. La Independent national electoral Commission « INEC » (Commission électorale nationale indépendante), qui est chargée d’organiser et de conduire les élections fédérales a été critiquée pour son manque de transparence et d’impartialité. Un rapport crédible de l’équipe d’observation des élections internationales au Nigeria du National Democratic Institute a signalé l’existence de diverses irrégularités et recommandé à commission d’accroître la transparence et de mieux communiquer sur le processus électoral afin de renforcer la confiance avec les citoyens nigérians.
Des données fiables des médias renseignent que lors des trois dernières élections, tenues en 2011, 2015 et 2019, plus de 1 149 personnes, dont des employés de la commission électorale et des agents de sécurité, ont été tuées.
Malgré maints appels en vue de prévenir la violence dans les cycles électoraux, des récentes attaques contre plusieurs bureaux de la commission électorale « INEC » et le recours systématique à la désinformation tout au long de la campagne électorale suscitent de vives inquiétudes.
“L’intégrité et la crédibilité des élections, qui constituent le fondement de la démocratie, sont compromises lorsqu’elles se déroulent dans un contexte d’insécurité et de non-respect des droits humains. Il est primordial de veiller à ce que les élections au Nigeria se déroulent dans un climat de sécurité et d’impartialité, et qu’elles protègent les droits fondamentaux de tous les citoyens, afin de renforcer la démocratie et la stabilité du pays”, a déclaré Alfred Nkuru Balakali, Directeur Régional d’ARTICLE 19 pour l’Afrique de l’Ouest.
“La désinformation et les faux récits ont un impact défavorable sur les choix et les comportements des électeurs lors d’une élection. Les candidats en lice doivent renoncer d’y recourir et privilégier la vérité sur leurs projets de gouvernance de la société pour permettre aux citoyens de faire des choix éclairés et renforcer la crédibilité de leurs votes“, a-t-il ajouté.
Sécurité des journalistes
Le droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information est un droit humain fondamental ; il en va de même pour la sécurité des journalistes, qui reste un défi dans le pays. Nonobstant le rôle crucial qu’ils jouent dans la couverture des élections et informer les citoyens sur le process électoral, les attaques contre eux pendant ces périodes sont monnaie courante dans de nombreux pays, dont le Nigeria
Les attaques contre les journalistes alors qu’ils couvraient les élections générales de 2019 au Nigéria révèlent les difficultés auxquelles ils sont confrontés dans l’exercice de leur métier. Le Nigeria est classé parmi les pays les plus dangereux et les plus difficiles d’Afrique de l’Ouest pour les journalistes. Des rapports en 2022 concernant ces attaques contre les journalistes confirment la nécessité de renforcer la protection des professionnels des médias dans le contexte de l’élection. Il est inacceptable qu’aujourd’hui encore des professionnels des médias soient confrontés à la violence et à l’intimidation dans l’exercice de leurs fonctions professionnelles.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Déclaration de principes sur la liberté d’expression ainsi que la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance reconnaissent le droit à la liberté d’expression et le droit des journalistes à exercer leur métier sans crainte de violence ou d’intimidation.
Désinformation
En période électorale, une quantité considérable de messages de désinformation est diffusée sur diverses plateformes, particulièrement sur les réseaux sociaux. Les retombées de cette situation peuvent être dévastatrices allant de la remise en cause du processus électoral et l’influence disproportionnée des habitudes de vote à l’entretien de violence croissante et la perturbation de la cohésion sociale. Elle peut également nuire à l’image du pays sur la scène internationale. Pour mitiger l’impact de la désinformation pendant les élections, il est capital que les électeurs fassent preuve de prudence et prennent les mesures nécessaires pour vérifier l’exactitude des informations avant de les partager. Cela implique d’être vigilant et de remettre en question l’authenticité des informations, de vérifier les faits en utilisant des sources fiables et d’éviter la diffusion d’informations fausses ou trompeuses. Il est important de s’appuyer sur des sources d’information fiables pour s’assurer que les informations partagées sont exactes et impartiales. En prenant ces mesures, les électeurs peuvent contribuer à prévenir la diffusion de la désinformation et à garantir un processus électoral équitable et crédible. Même s’il est crucial pour les individus de reconnaitre leur devoir de stopper la diffusion de la désinformation , notamment dans le contexte de l’élection du 25 février au Nigéria – des enquêtes ont montré que la désinformation en ligne s’est intensifiée à l’approche de l’élection – il est important de veiller à ce que la liberté d’expression soit respectée conformément aux normes internationales. Les Nations unies ont appelé les États à éviter “les mesures disproportionnées telles que les fermetures d’Internet et les lois formulées en termes vagues et trop généraux pour criminaliser, bloquer, censurer et freiner l’expression en ligne et réduire l’espace civique”.
“Ces mesures sont non seulement incompatibles avec le droit international des droits de l’homme, mais contribuent également à amplifier les perceptions erronées, à alimenter la peur et à ancrer la méfiance du public envers les institutions”.
Le cadre légal du Nigeria concernant la désinformation paraît extrêmement restrictif. Global Partner Digital (GPD), ARTICLE 19 et leurs partenaires ont développé la plateforme LEXOTA (Laws on Expression Online : Tracker and Analysis), qui fournit des informations sur les lois et les règlements au Nigeria. Nous avons noté que le pays dispose de plusieurs lois qui criminalisent la diffusion de fausses informations, notamment la loi de 2015 sur la cybercriminalité (interdiction, prévention, etc.) et le code pénal. Si ces lois contiennent des dispositions qui visent à lutter contre la diffusion de fausses informations et à protéger la sécurité et l’ordre publics, elles peuvent être, et ont été, utilisées pour supprimer la liberté d’expression et la contestation légitime.
Le Nigeria est classé 79e sur 161 pays dans le Rapport mondial sur l’expression 2022 – le bilan annuel d’ARTICLE 19 sur l’état de la liberté d’expression et du droit à l’information dans le monde.
Pour plus d’informations, veuillez contacter :
Maateuw Mbaye, Assistant de programme, ARTICLE 19 Sénégal/Afrique de l’Ouest Email : maateuwmbaye@article19.org T : +221785958337
Aissata Diallo Dieng, Chef de bureau, ARTICLE 19 Sénégal/Afrique de l’Ouest Email : senegal@article19.org T:+221338690322