ARTICLE 19 condamne fermement la répression meurtrière et sanglante des manifestations pacifiques par les forces de l’ordre guinéennes, les jeudi 18 et vendredi 19 juillet 2022. Durant ces événements 4 personnes ont été tuées et plusieurs blessés enregistrés lors d’une manifestation organisée par le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC). Les journalistes qui couvraient les manifestations ont été attaqués et un certain nombre de militants politiques ont été arrêtés, alors qu’ils répondaient aux appels du FNDC pour plus de transparence dans la gestion de la transition du pays par la junte militaire devant aboutir à des consultations démocratiques.
Le 18 Juillet c’est en début de journée que des affrontements entre manifestants et policiers ont commencé dans plusieurs quartiers de Conakry. Selon les médias, les manifestants ont érigé des barricades et brûlé des pneus. La police a utilisé des balles réelles et des gaz lacrymogènes pour disperser les groupes qui leur jetait des pierres. Ainsi plusieurs manifestants ont été placés en garde à vue, notamment les activistes politiques Foninke Mengué et Ibrahima Diallo, qui ont été arrêtés le samedi 30 juillet sur décision du procureur qui exigeait l’arrestation des organisateurs de la manifestation. Ils sont tous actuellement en garde à vue à la Direction Centrale des Enquêtes Judiciaires de la Gendarmerie Nationale.
Ces derniers mois, les autorités de transition ont eu recours à des mesures extrêmes qui mettent en péril les libertés fondamentales en guinée, notamment le droit de manifestation et de réunion. Les manifestations sont interdites pour toute la durée de la période de transition ; les autorités ont rejeté l’appel du Haut-Commissariat des Nations unies à lever l’interdiction, déclarant que celle-ci ne devait être levée que pendant la période électorale, prévue dans trois ans.
“Les Guinéens ne méritent pas le regain de violence et la répression sanglante qu’ils ont subi sous les gouvernements précédents. Il est impératif que les autorités de transition cessent de réprimer les manifestants et les militants et œuvrent pour que les libertés fondamentales soient respectées et protégées dans tout le pays”, a déclaré David Diaz Jogeix, Senior Directeur des Programmes à ARTICLE 19.
La législation guinéenne protège et promeut le droit de manifester. ARTICLE 19 rappelle également qu’en vertu des principes et directives internationaux sur les manifestations , “les forces de sécurité ne peuvent recourir à la force que lorsque cela est strictement nécessaire et dans la mesure requise pour l’accomplissement de leur mission, lorsque tous les autres moyens de désescalade et de prévention de violences ont été épuisés”. En tout état de cause, l’utilisation d’armes à feu doit être considérée comme potentiellement mortelle en toutes circonstances ; même un tir en l’air peut entraîner la mort. Outre ces normes internationales, les principes de ARTICLE 19 sur le droit de manifester indiquent clairement que les forces de l’ordre ne doivent jamais utiliser d’armes à feu pour disperser une manifestation. Le gaz lacrymogène ne peut être utilisé pour disperser une foule qu’en cas de violence généralisée, en raison de ses effets indiscriminés et de son fort potentiel de nuisance.
ARTICLE 19 a déjà affirmé que l’interdiction des manifestations pouvait conduire à une opposition et à des formes de confrontation plus violentes et mortelles.
Par ailleurs, l’observation générale 37 des Nations unies indique que, bien que la limite entre une réunion pacifique et une réunion non pacifique n’est pas toujours claire, il existe une présomption en faveur du caractère pacifique des réunions. En outre, les actes de violence sporadiques perpétrés par certains participants ne doivent pas être attribués aux autres participants, aux organisateurs ou au rassemblement lui-même. L’observation générale ajoute que les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et les observateurs électoraux, notamment, qui surveillent et rendent compte du déroulement des réunions, jouent un rôle particulièrement important pour ce qui est de permettre la pleine jouissance du droit de réunion pacifique. Ces personnes ont droit à la protection offerte par le Pacte. Il ne peut pas leur être interdit d’exercer ces fonctions ni leur être imposé de limites à l’exercice de ces fonctions, y compris en ce qui concerne la surveillance des actions des forces de l’ordre. Ils ne doivent pas risquer de faire l’objet de représailles ou d’autres formes de harcèlement, et leur matériel ne doit pas être confisqué ou endommagé. Plus important encore, l’observation générale 34 souligne que même si une réunion est déclarée illégale et est dispersée, il n’est pas mis fin au droit de la surveiller.
ARTICLE 19 appelle les autorités militaires de transition à mener une enquête transparente et impartiale pour identifier les responsables de ces meurtres, à assurer le respect des libertés individuelles et collectives des citoyens guinéens, à protéger les journalistes couvrant les manifestations et à libérer toutes les personnes arrêtées.
Contexte
La Guinée a connu un coup d’État militaire le 5 septembre 2021. Cette situation a entraîné des sanctions de la part de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour changement anticonstitutionnel de gouvernement. Cette dernière a pris la décision de geler les avoirs financiers des nouveaux dirigeants guinéens pour n’avoir pas annoncé de calendrier pour la mise en place d’une transition du pouvoir. Fin mars, la CEDEAO a ordonné aux dirigeants de présenter un calendrier de transition « acceptable » « au plus tard le 25 avril », sous peine d’une extension des sanctions économiques. La Guinée a ensuite demandé un délai supplémentaire au-delà de la date limite du 25 avril pour permettre la poursuite des consultations. En conséquence, le Conseil National de Transition (CNT) a finalement approuvé un calendrier de 36 mois pour la transition, plutôt que les 39 mois initialement suggérés par le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD). Dernièrement, le 13 mai, les autorités de transition ont interdit toute manifestation dans le pays pendant toute la période de transition. Malgré un appel de l’ONU à lever l’interdiction, elles ont refusé de s’y conformer, plongeant le pays dans une atmosphère de tension et d’exercice des libertés fondamentales.
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