Côte d’Ivoire : Garantir la liberté d’expression et assurer des élections démocratiques et sûres

Une partisane des partis de la coalition, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), manifeste contre le retrait des dirigeants de ces partis des bulletins de vote avant l’élection présidentielle, à Abidjan, Côte d’Ivoire, le 9 août 2025. Crédit : Luc Gnago / Reuters
Une partisane des partis de la coalition, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), manifeste contre le retrait des dirigeants de ces partis des bulletins de vote avant l’élection présidentielle, à Abidjan, Côte d’Ivoire, le 9 août 2025. Crédit : Luc Gnago / Reuters

À l’approche du scrutin présidentiel du 25 octobre 2025, ARTICLE 19 appelle à des élections pacifiques et démocratiques et exhorte les autorités à respecter la liberté d’expression et à préserver un espace civique ouvert.

La période préélectorale a été marquée par plusieurs évolutions préoccupantes affectant les libertés fondamentales d’expression, d’association, de participation politique et de manifestation.

  • Le 13 octobre 2025, une manifestation contre la candidature d’Alassane Ouattara pour un quatrième mandat présidentiel s’est tenue à Bonoua, dans le sud du pays. Au cours de la manifestation, un jeune homme de 22 ans a été mortellement blessé par un projectile tiré par des individus non identifiés circulant dans un véhicule 4×4, selon la police nationale. Il a succombé à ses blessures peu après. Une enquête est en cours pour identifier les auteurs.
  • Le 11 octobre, les forces de sécurité à Abidjan ont violemment dispersé une manifestation pacifique de l’opposition dénonçant l’exclusion de candidats clés de l’élection présidentielle. Malgré les interdictions des autorités locales, les manifestants se sont rassemblés dans plusieurs quartiers de Cocody. La police a eu recours à des gaz lacrymogènes, des barrages routiers et des arrestations massives pour empêcher la marche. Au moins 237 personnes, dont des journalistes et des militants politiques, ont été interpellées, et plusieurs passants ont été affectés par les gaz lacrymogènes. Le ministère de l’Intérieur a justifié cette répression par la nécessité de maintenir l’ordre public, mais des témoins et des organisations de la société civile l’ont dénoncée comme disproportionnée et politiquement motivée.

Ces répressions traduisent un recours excessif à la force et une intolérance envers les rassemblements publics. Elles s’inscrivent également dans un contexte de fortes tensions politiques à moins de deux semaines du scrutin.

  • Le Conseil constitutionnel a validé la candidature d’Alassane Ouattara mais rejeté celles de Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, suscitant la colère de l’opposition. Le « Front commun », regroupant le Parti démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement démocratique africain (PDCI) et le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), a appelé à des manifestations « quotidiennes » jusqu’au jour du vote, malgré l’interdiction officielle de contester les décisions du Conseil constitutionnel.
  • Le 8 septembre 2025, le Conseil constitutionnel n’a validé que cinq des soixante candidatures déposées pour l’élection d’octobre. Parmi les exclus figurent deux figures majeures de l’opposition : Laurent Gbagbo, ancien président, et Tidjane Thiam, leader du PDCI. Leur disqualification soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’intégrité et à l’inclusivité du processus électoral.

Par ailleurs, les journalistes sont également ciblés.

  • M’ma Camara, reporter pour France 24, a été victime d’une campagne de dénigrement en ligne en juin 2025 après avoir couvert un événement du PDCI. Ce harcèlement, attribué à des acteurs politiques, l’a contrainte à dissimuler son identité lors de ses reportages ultérieurs. ARTICLE 19 considère cela comme une stratégie visant à intimider et réduire au silence les voix médiatiques indépendantes.
  • En avril 2025, Ghislain Duggary Assy, syndicaliste, a été enlevé par des hommes masqués avant d’être condamné à deux ans de prison pour avoir appelé à la grève. Bien qu’il ait été libéré provisoirement en mai, sa condamnation a été confirmée en appel en juillet, illustrant la persistance du harcèlement judiciaire contre les militants syndicaux.

« La répression de toute forme de protestation dissidente et la criminalisation de l’engagement politique et citoyen portent gravement atteinte à la liberté d’expression et réduisent la diversité des opinions sur le processus électoral. Cette diversité et la liberté de l’exprimer, en ligne comme dans l’espace public, sont essentielles pour permettre aux citoyens de faire des choix éclairés. Le défaut d’autorisation ne rend pas une manifestation illégale. L’interdiction des protestations et leur répression pendant le processus électoral violent la Constitution ivoirienne ainsi que les normes régionales et internationales garantissant la liberté d’expression en période électorale et hors période électorale », a déclaré Alfred Bulakali Nkuru, Directeur régional d’ARTICLE 19 Afrique de l’Ouest.

ARTICLE 19 appelle les autorités ivoiriennes à garantir la liberté d’expression, la pluralité de l’information et la diversité des opinions, y compris dissidentes, dans l’espace civique et politique, et à mettre fin à toute forme de harcèlement contre les acteurs politiques et la société civile.

Nous exhortons le gouvernement à respecter les libertés fondamentales tout au long du processus électoral, conformément aux normes des droits humains, de la démocratie et de la bonne gouvernance, notamment celles énoncées dans la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, ainsi que dans le Protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance.

Les actions du gouvernement contre les manifestants violent ces normes et risquent d’aggraver la défiance à l’approche du scrutin. ARTICLE 19 exhorte donc la Côte d’Ivoire à aligner ses pratiques de maintien de l’ordre sur les standards internationaux en matière de maintien de l’ordre lors des manifestations.

Un climat pacifique respectueux de l’État de droit est essentiel pour garantir des élections sans violence.

Pour plus d’informations, veuillez contacter :

ARTICLE 19 Afrique de l’Ouest
Maateuw Mbaye, Chargé de programme / Protection & Espace civique
E-mail : maateuw.mbaye@article19.org ; Mobile : +221 78 595 8337

Ligne fixe : +221 33 869 0322
E-mail : senegal.westafrica@article19.org

Program Officer_ Protection Civic Space