ARTICLE 19 est consternée par la mise en détention provisoire de Houlèye Mané, Mariéme Diouf, Fatou Binetou Ndiaye et Cheikh Tidiane Sarr pour avoir partagé sur WhatsApp photomontage satirique du Président de la République du Sénégal, MackySall. ARTICLE 19 regrette une atteinte grave à la liberté d’expression et au caractère secret de la correspondance. ARTICLE 19 demande leur remise en liberté immédiate et l’abandon des poursuites pour «délits de diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs» et «association de malfaiteurs».
Entre le vendredi 26 et le lundi 29 Mai 2017, Mariéme Diouf, Fatou Binetou Ndiaye, Cheikh Tidiane Sarr et Houlèye Mané, journaliste de la chaine «Touba, Tv», ont été arrêtés par la police suite au partage de la dite satire dans un groupe WhatsApp de sept personnes.
Le 02 juin 2017, ils ont été formellement accusés d’avoir partagé le photomontage satirique du Président Sall et mis en détention provisoire, jusqu’à ce jour. Ils sont également accusés de faire partie d’une «association de malfaiteurs».
Le Code pénal sénégalais prévoit une peine d’emprisonnement d’un mois à deux ans et une amende de 25,000 à 300,000 francs pour «diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs» et «association de malfaiteurs». L’«association de malfaiteurs» est constituée lorsque des personnes s’entendent pour préparer ou commettre un ou plusieurs crimes contre les personnes ou les propriétés. Elle est un crime contre la paix publique puni par le code pénal de la peine de travaux forcés de dix à vingt ans.
ARTICLE 19 est profondément préoccupée par l’arrestation et mise en détention provisoire de ces quatre personnes en violation du droit international.
ARTICLE 19 rappelle que les standards internationaux relatifs à la liberté d’expression protègent tout particulièrement le discours politique et l’expression culturelle et artistique. Cette protection s’applique éminemment à la satire politique. A cet égard, les hommes et femmes politiques doivent faire preuve d’un degré de tolérance plus important face à la critique et la satire.
ARTICLE 19 s’inquiète également de la violation de la confidentialité de la correspondance des prévenus. En effet, leurs téléphones ont été saisis par les forces de l’ordre pour consulter leurs messageries afin de constituer la preuve de l’infraction présumée. Ce qui constitue en soi une violation du secret de la correspondance protégé par la Constitution sénégalaise en son article 13, qui dispose que « Le secret de la correspondance, des communications postales, télégraphiques, téléphoniques et électroniques est inviolable. Il ne peut être ordonné de restriction à cette inviolabilité qu’en application de la loi ».
ARTICLE 19 réitère que toute ingérence dans le droit au respect de la vie privée ne peut être justifiée que si elle a une base légale, poursuit un but légitime, nécessaire et proportionnée dans une société démocratique. En l’espèce, le but de la saisie ne saurait être considérée comme légitime puisqu’elle a été utilisée afin d’établir la commission d’une infraction en violation du droit à la liberté d’expression.
Par conséquent, ARTICLE 19 demande à l’Etat du Sénégal
• De libérer immédiatement Houlèye Mané et ses codétenus;
•D’abandonner les poursuites à leur encontre pour «diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs» et «association de malfaiteurs»;
•D’abroger l’infraction de «diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs» du Code pénal.