Guinée : Le référendum doit ouvrir la voie au rétablissement des valeurs démocratiques

À l’approche du référendum sur une nouvelle Constitution prévu le 21 septembre 2025, ARTICLE 19 appelle les autorités guinéennes à garantir la protection des droits humains, en particulier la liberté d’expression, pierre angulaire de toute démocratie. La préservation de ces droits fondamentaux est indispensable pour assurer un processus électoral équitable, inclusif et transparent. Ce référendum doit constituer une première étape vers la restauration de la démocratie.

« Ce référendum doit représenter un tournant décisif pour le retour à l’ordre constitutionnel et au respect, par la Guinée, de ses engagements régionaux et internationaux, notamment en matière de participation libre des citoyens aux affaires publiques et politiques. Nous appelons à un climat apaisé et à la levée complète des mesures actuelles restreignant l’action des partis politiques et des médias. L’intégrité de ce référendum dépendra de l’engagement effectif des autorités guinéennes à respecter les droits humains et les principes démocratiques », a déclaré Alfred Nkuru Balakali, Directeur régional d’ARTICLE 19 Afrique de l’Ouest.

Le 21 septembre, les citoyens guinéens seront appelés à se prononcer sur un projet de nouvelle Constitution qui permettra au chef de l’autorité de transition, le Colonel Mamadi Doumbouya, de se porter candidat à l’élection présidentielle. Bien que la junte militaire ait promis un retour à un régime civil, et que ce référendum puisse en constituer une étape, la disposition autorisant le Colonel Doumbouya à briguer la présidence contrevient à l’engagement qu’il avait pris lors de sa prise de pouvoir, le 5 septembre 2021, de diriger le pays uniquement à titre transitoire.

La période précédant ce scrutin a été marquée par de graves atteintes à la liberté d’expression, au droit d’association et à la liberté de la presse. L’élection présidentielle de 2020 avait déjà suscité une vive controverse, avec la réélection d’Alpha Condé pour un troisième mandat lors d’un scrutin entaché d’accusations de fraude et de violences postélectorales. Moins d’un an plus tard, le 5 septembre 2021, un coup d’État conduit par le Colonel Doumbouya a renversé le Président Condé. Le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a alors suspendu la Constitution et dissous les institutions, en promettant une transition électorale ultérieure, sans cesse reportée jusqu’en 2025. Si le référendum est désormais convoqué, aucune date d’élection n’a encore été fixée, et il n’est pas certain qu’un scrutin présidentiel ait lieu cette année.

Depuis la prise de pouvoir par le Colonel Doumbouya, l’espace civique s’est considérablement rétréci, marqué par la suspension de partis politiques, des arrestations arbitraires et des mesures de censure à l’encontre des médias. Si certaines restrictions ont récemment été levées, ce ne fut qu’après que plusieurs responsables de médias ont présenté des excuses et se sont engagés à respecter les procédures imposées par le régime en place. Ces restrictions compromettent gravement les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association, ainsi que la pleine participation des citoyens à la vie politique.

Parmi les exemples récents figurent :

  • Le 13 septembre, la radio Sabari FM a été suspendue pour 45 jours, et Sab TV interdite de rediffuser une émission animée par un journaliste interdit par la Haute Autorité de la Communication (HAC).
  • Le 6 septembre, la HAC a suspendu indéfiniment le média Guineematin pour non-respect des principes d’impartialité, d’égalité, de neutralité et d’équilibre dans le traitement de l’information pendant la campagne référendaire. La sanction a été levée le 10 septembre après des excuses du directeur de la rédaction.
  • Le 1er septembre, la HAC a suspendu Guinee360.com pour trois mois pour non-respect des règles de couverture médiatique. La suspension a été levée le 8 septembre après que son Directeur général s’est engagé à garantir une couverture équilibrée et professionnelle.
  • Le 24 août, le journaliste Mamoudou Boullère Diallo, administrateur du site Leguide.info, a été arrêté à la suite d’une publication sur Facebook. Il a été libéré le lendemain sans charges.
  • Le 22 août, les autorités ont suspendu pour 90 jours les activités (réunions, manifestations, campagnes) de trois grands partis : l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) et le Parti pour le renouveau et le progrès (PRP), pour des motifs officiellement liés à une prétendue « non-conformité administrative ».
  • Le 14 mars, 28 partis politiques, dont le RPG de l’ancien président Alpha Condé, ont été suspendus à la suite d’un rapport administratif évoquant des manquements aux obligations de renouvellement des instances et de transmission des documents statutaires.

Même si certaines restrictions ont ensuite été levées, leur imposition initiale a créé un climat de méfiance à l’approche du référendum, suscitant des inquiétudes sur la conformité du scrutin aux normes internationales en matière électorale. La suspension continue de plusieurs partis d’opposition limite le pluralisme, tandis que les sanctions infligées aux médias, même provisoires, ont entravé l’accès à une information libre et pluraliste.

ARTICLE 19 appelle les autorités guinéennes à prendre des mesures concrètes pour garantir les droits des électeurs, conformément aux instruments régionaux africains, notamment la Résolution de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur les élections en Afrique (ACHPR/Res.433(LXV) 2019). Celle-ci demande aux États parties à la Charte africaine de créer les conditions propices à des élections et référendums pacifiques, libres, équitables et transparents, permettant aux citoyens d’exercer leur droit de vote sans intimidation, ni violence, et de garantir la crédibilité des processus électoraux.

Pour plus d’informations, veuillez contacter :


ARTICLE 19 Afrique de l’Ouest
Maateuw Mbaye, Chargé de programme / Protection & Espace civique
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