ARTICLE 19 est très préoccupé par la récente suspension par les autorités maliennes des médias France 24 et Radio France Internationale (RFI), accusés de publier de “fausses” informations.
Ces mesures interviennent alors que la crise diplomatique qui dure depuis des mois entre la France et le Mali s’intensifie et que les protestations contre la présence de l’armée française au Mali se multiplient après que le gouvernement malien ait ordonné à l’ambassadeur de la France de quitter le territoire malien.
Le 16 mars 2022, le ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation a annoncé qu’il allait entamer la procédure de suspension des deux médias, dont le siège est en France. Selon le communiqué du ministre, la procédure fait suite à la publication de ce qu’il estime être de « fausses nouvelles » concernant des abus et des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire perpétrés par les forces armées maliennes, (FAMA). Dans sa déclaration, le ministre fait spécifiquement référence à un rapport de Human Rights Watch affirmant qu’au moins 107 civils ont été tués par l’armée malienne et des groupes islamistes armés dans le centre et le sud-ouest du Mali depuis décembre 2021.
Bien que la réglementation nationale exige qu’une telle suspension soit effectuée par la Haute Autorité de la Communication, et seulement après délibération du Conseil des Membres ; la décision de suspension est intervenue le lendemain, dans l’après-midi du 17 mars. Le signal des émissions Fm de RFI et les émissions télévisées de France 24 ont été interrompues dans tout le Mali. En outre, aucune possibilité n’a été donnée à RFI et à France 24 de se défendre, ou de répondre aux accusations portées contre eux, comme l’exige le droit national et international sur la liberté d’expression.
Parallèlement à cette suspension, les autorités ont interdit aux radios et télévisions nationales de rediffuser ou de publier des programmes ou des articles de presse produits par les deux médias.
ARTICLE 19 souligne que le caractère supposé faux d’une information n’est pas un motif légitime et légal de restriction de la liberté d’expression et de la liberté des médias. Un principe important demeure que “le droit de transmettre des informations ne se limite pas à des “déclarations correctes”, [et] que ce droit protège également les informations et les idées qui peuvent choquer, offenser ou déranger”. Les quatre mandats spéciaux sur la liberté d’expression ont clairement indiqué que “les interdictions générales de diffusion d’informations fondées sur des idées vagues et ambiguës, y compris les “fausses nouvelles”, sont incompatibles avec les normes internationales relatives aux restrictions de la liberté d’expression”. Il en est ainsi du rapport Rapport annuel du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme sur la Liberté d’opinion et d’expression. En outre, toute réglementation du secteur de la radiodiffusion devrait être effectuée par une autorité de régulation professionnelle indépendante, conformément aux normes internationales.
“Cette suspension semble être motivée par des raisons politiques, au regard des récentes tensions politiques et diplomatiques entre les autorités maliennes et la France. Les médias professionnels ne devraient pas être pénalisés par des relations politiques tendues et devraient pouvoir opérer de manière indépendante et libre. Les Etats devraient également promouvoir un environnement médiatique diversifié et pluraliste. Dans les situations de tensions politiques, il est important que les médias puissent fonctionner librement afin de fournir aux citoyens des informations précises, opportunes et fiables. Les autorités doivent créer des conditions favorables pour les médias et garantir le droit des personnes à accéder à l’information en vertu de la loi et en pratique. “a déclaré Fatou Jagne Senghore, Directrice Régionale d’ARTICLE 19 Afrique de l’Ouest.
ARTICLE 19 appelle les autorités maliennes à reconsidérer la suspension des médias en question et à veiller à ce que toute action susceptible de restreindre la liberté des médias soit pleinement conforme aux normes internationales en matière de liberté d’expression. En particulier, toute restriction de la liberté d’expression doit notamment être prévue par la loi, poursuivre un objectif légitime et être proportionnelle et nécessaire dans une société démocratique.
Pour plus d’information, contacter
Maateuw Mbaye, Assistant de programmes, ARTICLE 19 Sénégal/Afrique de l’Ouest
Email : maateuwmbaye@article19.org T : +221785958337ou
Aissata Diallo Dieng, Assistante de Direction, ARTICLE 19 Sénégal/ Afrique de l’Ouest
Email: senegal@article19.org T:+221338690322