Ce 02 novembre 2021 marque la journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes. Les chiffres sur les meurtres contre les journalistes montrent une tendance à la hausse très inquiétante puisque cette année, 35 journalistes ont été tués dans le monde dont 4 en Afrique. En Afrique de l’Ouest, le Nigeria et le Ghana ont signalé un meurtre chacun, tandis que le Burkina Faso a enregistré deux meurtres. En cette journée mémorable, ARTICLE 19, Journalistes En Danger (JED), l’Association des Éditeurs des Professionnels de la Presse en Ligne (APPEL/Sénégal) et FactSpace Ghana, appellent les gouvernements africains à enquêter de manière plus approfondie sur les meurtres commis sur les journalistes et à prendre des mesures pour mettre fin à cette culture de l’impunité.
S’exprimant à cette occasion, Nkuru Bulakali Alfred, Directeur Régional Adjoint de ARTICLE 19 déclare :
« Cette journée est une occasion pour rendre un vibrant hommage à tous ces journalistes tués en raison de leur travail. Ces crimes commis contre les journalistes sont inacceptables et ne doivent pas rester impunis, ils violent le droit à la vie et visent à priver le public du droit à l’information. Les États ont l’obligation de mettre des mécanismes efficaces pour prévenir de tels meurtres, protéger les journalistes et traduire les auteurs en justice ; la fin de l’impunité de tels crimes est essentielle dans un État démocratique ».
Les attaques contre les journalistes sèment un climat de terreur, fragilisent leur sécurité et leur protection. Les journalistes qui jouent un rôle essentiel pour garantir le droit à la liberté d’expression et l’accès à l’information font de plus en plus l’objet d’agressions verbales et physiques, des arrestations et détentions arbitraires, de harcèlement, des emprisonnements et des intimidations. Ces actes qui portent une atteinte grave à la liberté de la presse sont généralement perpétrées par les forces de sécurité, des inconnus ou des groupes identifiés dont le but est de museler la liberté d’expression et de restreindre l’accès du public à l’information en toute violation des normes régionales et internationales souscrit par les Etats où ces violations sont commises.
Selon l’Observatoire des journalistes assassinés de l’UNESCO, entre 2006 et 2021, plus de 1200 journalistes ont été tués dans le monde et près de 607 cas ne sont toujours pas résolus.
Dans son Rapport annuel, intitulé “ Mauvais temps pour la presse”, qui sera rendu public ce 02 novembre 2021, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’impunité des crimes contre les journalistes, Journaliste en danger (JED) a enregistré, au moins quatre cas des journalistes tués au cours de cette année en République démocratique du Congo (RDC).
Pour Tshivis Tshivuadi, Secrétaire général de JED, « ces assassinats viennent allonger une longue liste de près d’une vingtaine des journalistes tués au cours de ces dix dernières années dans des conditions qui n’ont jamais été élucidées. JED dénonce l’indifférence des autorités congolaises par rapport à ces meurtres, ainsi que la culture de l’impunité qui entretient un climat d’insécurité pour les journalistes congolais.”
L’impunité engendre un cycle qui restreint progressivement la liberté d’expression. Lorsque des journalistes peuvent être attaqués et réduits au silence en toute impunité, cela encourage d’autres auteurs à mener des attaques similaires et peut inciter les journalistes à s’autocensurer. Cela a un impact supplémentaire sur le droit des citoyens à l’information. En effet, si les journalistes s’autocensurent, c’est toute la société qui en souffre, car des informations précises et fiables ne sont plus disponibles ou tardent à être fournies.
Le droit à la vie est un droit inhérent à chaque personne et nul n’a le droit de mettre fin à la vie d’autrui quel que soit la raison. Ce droit est garanti par plusieurs standards internationaux tels que: La Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), La Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP). Dans son briefing intitulé UN Commitments on paper to protect journalists not enough ARTICLE 19 a invité les Etats à créer un instrument permanent des Nations Unies sur les enquêtes criminelles pour les assassinats ciblés contre les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme.
La liberté de la presse menacée en Afrique
De l’emprisonnement à la mort, les journalistes restent confrontés à plusieurs obstacles qui portent non seulement atteinte à leur intégrité physique et morale mais aussi à la liberté de la presse. Au moins 229 journalistes ont été enfermés au mois de mars 2021 pour leur reportage. Certains journalistes ont même trouvé la mort en détention comme ce fût le cas du journaliste camerounais Samuel Ebuwe Ajieka plus connu sous le nom « Samuel Wazizi ».
Plusieurs gouvernements en Afrique continuent d’adopter des lois liberticides telles que les lois sur la cybercriminalité en vue d’étouffer le droit d’accès à l’information du citoyen et la liberté d’expression des journalistes qui sont des piliers importants de la démocratie. Bien que les peines de prison pour délit de diffamation aient été abrogées dans beaucoup de pays africains à l’instar du Niger, les gouvernements continuent d’appliquer ces lois draconiennes et continuent d’enfermer les journalistes et ceci en toute violation de la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique qui garantit non seulement la sécurité des journalistes et autres professionnels des médias, mais invite les Etats à “revoir toutes les restrictions pénales aux contenus afin qu’elles soient justifiables et en conformité avec les normes et le droit international relatifs aux droits de l’homme… à abroger les lois pénales sur la diffamation et la calomnie en faveur de sanctions qui doivent être elles-mêmes nécessaires et proportionnées”.
Les autorités font également recours au harcèlement judiciaire pour faire taire les journalistes en vue de museler la liberté d’expression et restreindre l’accès à l’information. Les autorités guinéennes ont par exemple eu recours au harcèlement judiciaire pour réduire au silence les militants et les journalistes pro-démocratie et des droits de l’homme. En vertu du droit international des droits de l’homme, toute législation restreignant le droit à la liberté d’expression doit répondre aux critères de légalité, de nécessité et de proportionnalité.
« Les juges et les magistrats jouent un rôle crucial pour mettre fin à l’impunité contre les journalistes. Ils doivent connaître tous les instruments régionaux et internationaux qui ont été adoptés pour promouvoir la sécurité des journalistes, ” a souligné Pansy Tlakula, Ancienne Rapporteure Spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique à l’occasion de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes contre les journalistes en 2016. “À cet égard, nous devons créer plus de programmes de sensibilisation non seulement pour les magistrats et les juges, mais aussi pour la police et les procureurs“.
En outre, les Lignes directrices destinées aux procureurs relatives aux crimes commis contre les journalistes recommandent que les procureurs reçoivent une formation spécialisée sur les droits fondamentaux liés à l’exercice des rôles et fonctions des journalistes et à la protection des sources journalistiques lorsqu’ils mènent des enquêtes, supervisent des enquêtes, fournissent une assistance consultative aux organismes chargés de l’application de la loi, et prennent des décisions sur l’opportunité d’engager des poursuites pénales.
Normes internationales sur la sécurité des journalistes et la lutte contre l’impunité
Plusieurs normes relatives à la sûreté et à la sécurité des journalistes appellent les États à prévenir les attaques, à protéger les journalistes contre ces attaques et à tenir les auteurs responsables de leurs actes. Il s’agit notamment de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies sur “la sécurité des journalistes et la question de l’impunité“, de la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, ainsi que du Plan d’action des Nations unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité pour ne citer que celles-là.
Contexte
Cette déclaration conjointe s’inscrit dans le cadre du projet “Réponse au COVID-19 en Afrique : Together for Reliable Information” soutenu par l’Union européenne, qui documente les risques encourus par les journalistes pendant la pandémie, et fournit un soutien essentiel et opportun ainsi que des ressources aux médias et journalistes indépendants dans 17 pays d’Afrique subsaharienne pour les aider à remplir leur rôle de fournir des informations de qualité et fiables sur la pandémie.
Pour plus d’informations sur le projet, veuillez consulter le site : https://www.article19.org/covid-19-response-in-africa/
Pour plus d’informations, veuillez contacter :
Alfred NKURU BULAKALI, Directeur Régional Adjoint de ARTICLE 19 Sénégal/Afrique de l’Ouest Email : alfredbulakali@article19.org Tel : +221 33 869 03 22
Tshivis T. Tshivuadi, Journaliste en danger (JED), Secrétaire Général
Email: tshivis@hotmail.com Tel: +243 819 996 353 ou 099 99 96 353
Ibrahima Lissa Faye, Président de l’Association des Éditeurs des Professionnels de la Presse en Ligne (APPEL/Sénégal) Email : ilf@pressafrik.com Tel : +221776502385
Rabiu Alhassan Ghana Fact, Director/Managing Editor rabiu.alhassan@ghanafact.com