Gambie: Manifestation contre la confiscation du pouvoir par Jammeh

 

Le 1er décembre 2016, la Gambie a organisé une élection présidentielle qui a entraîné un changement majeur dans le pays au bilan terrible en matière des droits humains en Afrique de l’Ouest.

Malgré des décennies d’attaques  contre des journalistes, des membres de l’opposition et des défenseurs des droits humains, les Gambiens sont sortis en grand nombre pour mener une campagne électorale pacifique  avant d’aller voter.

Pour vraiment la première fois dans l’histoire moderne de la Gambie, un grand nombre de citoyens s’est exprimé sans aucune crainte contre le régime en place depuis 22 ans. Ce qui constitue un remarquable revirement par rapport à la situation quelques mois auparavant.

Le lendemain 2 décembre, la Commission électorale indépendante (CEI) a annoncé que le leader de l’opposition, Adama Barrow, a remporté les élections et, à la surprise générale, le même soir, le président sortant Yahya Jammeh a concédé sa défaite et félicité son adversaire.

Cela a conduit à des célébrations majeures et à des gains immédiats en matière de droits de l’homme – 42 prisonniers d’opinion ont été libérés la semaine suivante, le Président élu a annoncé qu’il garderait la Gambie à la CPI et promis d’abroger les lois répressives du pays.

Une semaine plus tard, Yahya Jammeh est allé à la télévision pour rejeter les résultats et annoncer qu’il annulerait les élections pour en organiser de nouvelles lorsque les ressources du pays le permettraient avec une Commission électorale indépendante différente. Dans le même message télévisé, Jammeh dit qu’il y aura une tolérance zéro sur les manifestations et des représailles sont prévues contre ceux qui en auraient organisé.

Il y a de réels problèmes avec la Cour suprême, à tel point que l’ONU et d’autres ont déclaré que ce n’était pas une option crédible. Il n’y a qu’un juge sur sept actuellement en place, parce que Yahya Jammeh a déjà embauché et licencié avec une grande régularité et a décidé de ne pas nommer de juge depuis mai 2015. Il devrait donc nommer de nouveaux juges pour entendre son cas, et bien sûr La crainte parmi l’opposition est qu’il nommera des juges qui lui seraient favorables.

Tout cela a mené à une vague rapide de condamnations internationales, avec de fortes déclarations du Conseil de sécurité de l’ONU, de la CEDEAO, de l’UA, des États-Unis, de l’UE et d’autres demandant à Yahya Jammeh d’accepter les résultats et de respecter le droit de manifestation pacifique.

Lundi 12 décembre, les chefs d’État du Libéria, du Nigeria, du Ghana et de la Sierra Leone se sont rendus en Gambie pour tenter de convaincre Yahya Jammeh, mais n’ont pas conclu à un accord.

Au moment où se tient en ce samedi 17 décembre 2016 un sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO sur la Gambie, les organisations de défense des droits humains et de la société civile rassemblés à Dakar la capitale sénégalaise, déclarons que :

  1. Le rejet par le président Jammeh des résultats de l’élection et le fait qu’il a déclaré qu’il ne tolérerait aucune manifestation risquent d’engendrer une instabilité et pourraient conduire à une répression.

  1. Au cours des dernières semaines, des milliers de Gambiens ont joui de la possibilité de s’exprimer et de se rassembler librement, et ces droits doivent être protégés. Si des Gambiens décident d’exercer leur droit de manifester pacifiquement, nous demandons aux forces de sécurité de faire preuve de retenue, et nous espérons que la communauté internationale condamnera toute restriction de ce droit et toutes les autres violations qui seraient commises.

 

  1. Tous les gains réels et potentiels en matière de droits humains doivent également être protégés. 42 prisonniers d’opinion ont été libérés sous caution la semaine dernière et, indépendamment de l’issue de la crise actuelle, ils devraient être totalement acquittés, et d’autres prisonniers de conscience doivent être libérés également.